Témoignages

La fac de la Réunion et moi, des amies de trente ans

1990:
Bon, les enfants, c’est confirmé. Papa a eu le poste à la Réunion, on va déménager là-bas à la rentrée.
“OK, mais est-ce qu’il y a des McDo* là-bas au moins ?”, c’était LA question essentielle pour Vola 10 ans et Samuel 7 ans.

A l’arrivée, le bureau de Papa, ce sont des préfabriqués au milieu d’anciens champs de canne, à côté d'une portion de route abandonnée où l’on pouvait faire du vélo et du skate (le futur boulevard Sud).

Le labo est une grande famille: Gigord, Liquière, Conruyt, Knapik, Diatta. 30 ans plus tard je me rappelle encore de certains noms de famille des collègues de mon père.

Ça joue au volley, ça fait des barbecues chez les uns et les autres. La dolce vita, sans doute.

1992:
Mes parents prennent sous leur aile une jeune étudiante d’Erasmus, Kathleen. Pique-nique à l’Ermitage, casser des goyaviers au Brûlé, on lui fait découvrir le mode de vie à la créole. Kathleen est galloise, grande, avec de beaux cheveux longs et blonds. Elle parle français avec un joli accent. C’est mon modèle. Alors, c’est ça être étudiant ? Je veux faire pareil quand je serai grande.

1994:
Les bâtiments de l’IREMIA ont vite poussé. J’aime bien m’y réfugier pour la clim et le frigo avec du coca frais en libre-service.

En plus, c’est l’arrivée d’Internet à la fac. Mon frère et moi inventons tous les prétextes possibles pour aller au bureau et nous connecter. On a dans nos mains des magazines de “Sciences et Vie Micro” avec des URL qui ressemblent aux codes wifi actuels. Nous les retranscrivons soigneusement dans le navigateur, tels des moines copistes. A l’époque, Netscape règne en maître et la page d’accueil du navigateur c’est Yahoo. Attention à ne surtout pas vous tromper, sinon vous êtes bons pour attendre 12 minutes supplémentaires le rechargement de la page (le câble SAFE n’est pas encore arrivé).

1998:
J’ai mon bac ! Le campus est méconnaissable, on a viré les parkings pour y faire construire de nouveaux bâtiments, notamment en sciences physiques. Les étudiants - qui me paraissaient si inaccessibles durant mon enfance - ont mon âge.

2021:
Je vis à Barcelone, ville Erasmus par excellence selon Cédric Klapisch dans l’Auberge Espagnole. J’en viens à travailler pour l’université de la Réunion pour un projet ponctuel. Les étudiants sur le campus me paraissent si jeunes, à peine sortis de l’enfance ! Effectivement, je pourrais très bien être leur maman. C’est la fin d’un cycle pour moi, un projet professionnel qui vient sceller 30 ans d’amitié.

Joyeux 40 ans, chère Université de la Réunion ! Merci d’avoir eu cet impact dans ma vie.